
Avocat de son état, chef d’entreprises et ancien candidat à la députation nationale, aux élections législatives de 2006 et de 2023, à Lukunga, Charles Kabuya partage sa réflexion avec les congolais dans ce billet que je vous laisse lire in extenso.
Les frais scolaires en République Démocratique du Congo sont appelés "minerval", ceci en référence à Minerve, la Déesse de l'intelligence, de la sagesse et des métiers dans la mythologie romaine.
Cette terminologie particulière est héritée de la colonisation belge.
On pourrait penser qu'avec cette référence à la déesse Minerve, la Belgique aurait eu des desseins grandioses en matière d'éducation et de formation des indigènes congolais.
Mais il n'en fut rien. Au contraire la ségrégation dans l'enseignement et l'absence d'une volonté de promouvoir les indigènes par l'éducation scolaire et universitaire ont caractérisé le système colonial belge.
C'est ainsi que cet apartheid colonial a eu comme conséquence que le Congo a commencé son parcours de pays "indépendant" avec un énorme handicap en terme de ressources humaines.
Une carence rédhibitoire pour un état juvénile.
Nous payons encore cette tare de jeunesse à cause de la non optimisation de nos politiques en matière d'éducation et de formation professionnelle après l'indépendance.
La mesure de la situation n'avait pas été prise par une classe politique obnubilée par le partage du pouvoir et par des luttes fratricides ayant abouti à l'assassinat, commandité de l'extérieur, du dirigeant le plus visionnaire de l'époque, Patrice Lumumba.
Son programme politique, présenté devant le parlement lors de l'investiture de son gouvernement en 1960 accordait une place centrale à une réforme générale de l'enseignement au Congo afin d'étendre l'alphabétisation de la population et d'augmenter le taux de scolarisation dans le pays.
Sans gouvernance sereine, au milieu des troubles et des rébellions, le pays est allé à vau-l'eau et n'a pas engagé les grandes politiques réformatrices qui étaient indispensables à son épanouissement.
L'éducation en est un des exemples les plus significatifs, car on n'a rien changé de l'héritage colonial.
Le secteur de l'éducation est resté largement conventionné (confessionnel), donc sous-traité.
Aujourd'hui encore, les meilleures écoles sont privées, ce qui est symptomatique du manque d'ambition de l'état dans un secteur fondamental, cela depuis 1960.
La tentative d'unification de l'enseignement par une forme de «nationalisation» des écoles et par la création de l'Unaza (Université Nationale du Zaïre, incluant tous les établissements d'enseignement supérieur du pays) qui fut initiée sous le régime de Mobutu au cours des années 70 était plus idéologique que réaliste. D'ailleurs elle se conclura par un fiasco et une baisse généralisée du niveau scolaire, dont les séquelles se font encore sentir de nos jours par effet boule de neige (les enseignants mal formés formant à leur tour les élèves...)
L'état dût reculer piteusement et rétrocéda les écoles aux confessions religieuses. Mais le mal était fait, comme on l'a vu.
Ce revirement conforta la position hégémonique des confessions religieuses dans l'enseignement, en particulier de l'Eglise catholique.
Les difficultés qu'a éprouvées le président Félix Tshisekedi pour mettre en place la gratuité de l'enseignement primaire (pourtant inscrite dans la constitution) témoignent de la résistance du "système".
En fait, aussi bien du temps de la colonie qu'après l'indépendance, l'éducation n'a jamais été une affaire de l'état. Elle fut confiée à l'église, qui forma l'essentiel de la poignée des élites du pays.
Cette politique n'était pas sans arrières-pensées car elle permettait aussi une forme de contrôle sur la population.
Plutôt que de réformer le système hérité de la colonisation, qui était inadapté à une éducation de masse, nous l'avons reproduit et perpétué.
Tout simplement par absence d'une ambition de mettre en place une grande politique éducative nationale.
Cela est d'autant regrettable que les ressources humaines sont aujourd'hui au cœur des enjeux, dans un monde où la créativité et la recherche sont le moteur de l'économie et du développement...
Me Charles Kabuya