
(Carl Von Clausewitz)
L'image marquante du président de la RDC, Félix Tshisekedi, à la tribune du Global Gateway Forum de Bruxelles, tendant la main au chef d'État rwandais, Paul Kagame, en l'appelant à faire "la paix des braves", suscite diverses réactions dans l'opinion publique.
La partie rwandaise exulte, moquant celui qui défiait récemment leur président et menaçait de déclarer la guerre à leur pays après la réactivation du M23, un groupe rebelle soutenu par le Rwanda, qui a conquis deux grandes villes dans l'est de la RDC et qui continue de grignoter du terrain malgré les processus de paix en cours.
Les opposants congolais ne sont pas en reste, certains persiflant avec jubilation sur ce qu'ils considèrent comme une supplication humiliante qui entérine la défaite du pays.
Cette déclaration de Félix Tshisekedi, faite visiblement avec le cœur lourd, est un moment douloureux pour tous les patriotes congolais, dans le contexte actuel où notre souveraineté est bafouée par ce pays voisin, où nos populations sont violentées et soumises à la loi du plus fort à Goma et Bukavu, et où un pillage en règle de nos ressources est en cours.
Le Chef de l'État avait cru en la capacité de l'armée congolaise à donner le change face aux forces rwandaises et à leurs supplétifs. Sans doute rassuré par notre état-major. Il avait répondu aux provocations rwandaises, avec peut-être beaucoup trop d'assurances, se laissant même aller à une escalade verbale en écho à la colère des congolais meurtris par les violences et déstabilisations dont est coupable le Rwanda depuis 30 ans.
De tout ceci, des leçons doivent être tirées. La première étant qu'il ne faut jamais sous-estimer l'adversaire, ni sur le plan militaire et encore moins sur le plan diplomatique. Surtout lorsque ce dernier est un régime militarisé, spécialisé depuis des décennies dans la duperie et qui dispose en outre de soutiens importants en Occident. En effet, en dépit des rapports accablants sur ses crimes et ses violations des droits humains, ce régime que dirige un dictateur à la main de fer, continue à faire fi des règles internationales et à bafouer en toute impunité les principes régissant les relations entre Etats.
De plus, il est gratifié par des accords de coopération économique et militaire avec l'Union Européenne et d'autres pays occidentaux, qui y organisent maints événements à caractère économique, culturel ou sportif.
Nous avons salué l'initiative américaine qui a abouti il y a 2 mois à la signature d'un pré-accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington. Mais à l'époque nous avions estimé que si le président Trump ne s'implique pas davantage avec des moyens de coercition, le Rwanda ne jouerait pas le jeu. Et c'est apparemment ce qui se passe.
Quant au processus de Doha, initié par le Qatar, il était voué à l'échec tant que la souveraineté et l'intégrité de la RDC n'en étaient pas le socle. Or la mission des supplétifs de l'AFC/M23 est de dissocier la gestion des territoires conquis de celle du reste du pays, bien entendu au profit du Rwanda. Aucun congolais digne de ce nom ne peut accepter cela. Sauf les renégats qui, malheureusement, sont nombreux et facilitent aux ennemis du pays la réalisation de leurs objectifs. La complicité évidente d'un ancien président de la république avec ce groupe rebelle ajoute à la confusion.
C'est dire que la RDC est dans l'impasse, comme nous le craignions dans une analyse récente. Car le rapport des forces militaires étant en notre défaveur, seule la bataille diplomatique peut dans les circonstances actuelles permettre de ranger derrière nous le plus d'alliés susceptibles de peser dans la balance pour préserver les intérêts vitaux de la RDC.
Il se joue probablement une partition vitale à Bruxelles, dont le premier acte est une modération des égos. D'où le geste public d'humilité du président Tshisekedi. Cela suffira-t-il ?
La diplomatie est une continuation de la guerre, disait Clausewitz. Pour sûr, la guerre ne sera pas terminée avec le Rwanda tant qu'il affichera son appétit pour les richesses congolaises…
Me Charles Kabuya