Lorsqu'on s'éloigne du pays (RDC) pour un moment, qu'on s'échappe de notre bulle écrasante et de notre micro-climat socio-politique singulier, au retour, parmi les choses qui nous frappent autant que le souffle chaud et humide de l'air pollué de senteurs de kérosène et de poussières, on réalise d'une part que les congolais vivent dans une emprise mentale de la religion qui a atteint des proportions exagérées, et d'autre part qu'une frivolité dévorante a conquis la société.
Plus particulièrement sa jeunesse, qui a fait passer la recherche des plaisirs et du gain facile au rang de piliers de la vie, ne s'embarrassant aucunement de principes moraux et s'accommodant même avec préceptes religieux.
Y-A-T-IL ENCORE UNE PLACE POUR PENSER, RÉFLÉCHIR, APPRENDRE ?
Peut-on encore promouvoir les idées, la créativité et l'excellence ?
Sommes-nous encore tout simplement libres dans nos têtes et dans nos aspirations ?
N'avons-nous pas nous-mêmes choisi nos chaînes mentales, en nous assujettissant bien souvent à des directeurs de conscience, leur offrant un droit de regard jusque dans notre intimité et notre portefeuille ?
Par fatalisme, par faiblesse, si ce n'est par ignorance pour beaucoup ?
Sommes-nous une nation compétitive, parée pour assurer sa propre survie et conduire par elle-même son destin ?
Rien n'est moins certain…
Dans une société délétère, minée par les corruptions de toutes natures, le nivellement par le bas est généralisé, et tout le reste est à l'avenant.
Le destin d'un peuple se joue aussi dans la manière dont il prépare ses enfants à affronter ce monde brutal, où les espérances béates sont broyées sans pitié.
Comme le cinéphile sortant d'un film de Karaté se sent invincible par ce mimétisme illusoire qui l'envahit un instant, oubliant qu'il ne s'agit que de cascades scénarisées, nous nous sentons pousser des ailes angéliques après l'imposition manuelle par notre prédicateur starifié, ou après avoir rempli les arènes des chantres ndombolistes et bougé en rythmes nos corps.
Je nous vois, avec une inquiétude mêlée de commisération, en train de passer à côté de la plaque ; de nous noyer dans un bénitier géant, au son des psalmodies incantatoires.
Tout un peuple en transe, pensant trouver la délivrance comme une promesse éthérée.
"Heureux le peuple qui chante et qui danse" a pour écho "heureux le peuple qui prie en chantant et en dansant".
Nous ne savons plus faire la part des choses, enfermés que nous sommes dans une bulle extatique.
Nous ne savons plus rendre à César son dû, et César ne sait plus rendre à ceux qui lui doivent.
Oui, c'est à César qu'il incombe de réaliser matériellement les espérances, d'impulser et de canaliser les énergies pour bâtir le Congo de la promesse.
Mais, s'il n'agit pas comme un berger avisé face aux appétits des loups domestiques et venus d'ailleurs, un beau matin il n'y aura plus de cheptel.
Ce coffre-fort territorial, reçu en héritage, ne peut être protégé la fleur au fusil.
Dessillons nos yeux et regardons la réalité du monde en face, sortons du carcan des incantations pour embrasser avec réalisme les défis vitaux qui s'imposent à nous.
"Aide-toi, le ciel t'aidera", dit-on...
Charles Kabuya